vendredi 26 février 2010

Emmurée

Pendant huit mois de reviviscence nocturne d'un traumatisme ancien de nombreux rêves de chutes et d'enfermement ont peuplé mes nuits.

L'un d'eux m'a beaucoup marquée et effrayée:

" Je suis dans ma chambre, je me réveille et regarde autour de moi; il n'y a plus d'ouverture: ni porte ni fenêtres, que des murs. Comme un tombeau dont je ne sortirais jamais et où j'allais mourir abandonnée de tous.
Mais je ne parviens pas à me résigner et cherche encore et encore un moyen de sortir de là. Et en cherchant une issue je vois finallement qu'il y a une fenêtre! Elle est au premier étage mais c'est quand même une ouverture: je suis sauvée".

Une autre forme d'enfermement: dans les cauchemars que je faisais quotidiennement, il y avait la plupart du temps à un moment donné la volonté de me réveiller pour ne pas mourir là, dans l'horreur de ce que je revivais, et je me disais "Il faut que je me réveille! Il faut que je me réveille!" mais mon corps était paralysé, aucun son ne sortait de ma bouche - de l'horreur absolue; je luttais avec une sorte de rage physique et psychique pour faire bouger mon corps et sortir du sommeil, cela durait très longtemps, avec cette peur terrible de ne pas y parvenir, et j'y parvenais enfin en poussant un hurlement de terreur.

Le Cauchemar

Ce cauchemar est survenu pour la première fois lors de ma première psychanalyse, j'avais vingt ans et ce fut une expérience terrible.

" Je suis dans ma chambre, un bruit inhabituel me réveille, quelqu'un s'introduit dans la pièce.
Je veux allumer la lumière, mais ça ne fonctionne pas, comme si il n'y avait plus d'électricité. Je veux essayer de téléphoner à la police, mais les touches du téléphone sont en boue et fondent sous mes doigts.
Je suis terrifiée et un hurlement de frayeur monte dans ma gorge: aucun son ne sort.
Je veux me lever pour tenter de m'enfuir: mon corps est paralysé, je ne peux faire aucun mouvement.
Je suis inerte dans l'impossibilté de crier ni faire aucun mouvement, je ne parviens pas à ouvrir les yeux: mes paupières ne se soulèvent plus.
Je me débats contre cette paralysie, en vain.
Etat de terreur indescriptible, mort imminente, puis réveil en hurlant avec tachychardie et suées abondantes."

Ce cauchemar s'est répété ponctuellement puis est devenu quotidien il y a une quinzaine d'années, suite à l'échec de ma seconde psychanalyse.

Pendant huit mois je l'ai fait toutes les nuits, ainsi que d'autres rêves , cauchemars, terreurs nocturnes.

Il est devenu alors récurrent avec de plus en plus de précision, de "réalité" (c'était comme si c'était vrai, que je ne dormais pas et le vivais réellement), tous les réveils se faisaient en hurlant, dans un état de terreur absolue. Mon corps participait à ce que je vivais alors: douleurs réelles au réveil, tachycardies etc...

J'avais peur de dormir car j'étais persuadée que ce que je revivais dans ce cauchemar finirait par me tuer, l'agression vécue dans ce cauchemar était comme réelle et je craignais qu'elle n'arrive à son terme pendant le cauchemar et me tue; il y avait aussi -pendant le cauchemar- la crainte de mourir ou de devenir folle tant ce que je vivais alors était monstrueux.

Pour que celà s'arrête je voulais mettre fin à mes jours, et je cherchais un moyen de me suicider qui passerait pour un accident car je ne voulais pas être une mère "suicidée" pour mon fils.
J'ai eu un sursaut au bout de ces huit mois interminables et me suis rendue chez mon médecin généraliste à qui j'ai tout révélé, il m'a prescrit un anti-dépresseur fortement dosé et en 3 jours de traitement tout s'est arrêté!

Mais je reste avec cet inachevé: je veux dire que depuis je cherche toujours à comprendre ce qui s'est passé là, et surtout à savoir quel évènement est à l'origine de cette monstrueuse répétition nocturne. D'autant que les derniers temps, avant que je ne démarre le traitement qui m'a sauvé la vie, dans le cauchemar lui-même il y avait ce surgissement du besoin, de la nécessité d'aller "jusqu'au bout" et de savoir qui m'avait fait ça, et à chaque fois que je m'approchais de cette vérité la terreur atteignait des sommets indescriptibles: je me sentais partir à la limite de l'implosion psychique ou bien ressentais que j'allais mourir tellement la violence des faits et de la connaissance de ce que je cherchais était impossible à gérer.

jeudi 25 février 2010

le grand-père

J'avais 6/7 ans, mon grand-père paternel est venu me chercher à l'école. Il ne prend pas le chemin habituel pour rentrer, mais un sentier au milieu des champs. Il me porte sur son dos.
Il fait passer ses mains le long de mes cuisses et remonte jusqu'à ma culotte.
Je me débats.
Je suis perdue; je n'ai personne à qui en parler et n'ai pas le droit de pleurer.

(Pleurer c'était des pleurnicheries "Arrête de pleurnicher!" . Ca les énèrvait quand les enfants pleuraient; "Regarde cette comédienne!". Pleurer devant eux c'était s'exposer à leur colère ou leurs moqueries "J't'en foutrais moi des pleurnicheries!".
Mon père prenait plaisir lorsque la famille était réunie, à me faire pleurer en me faisant les "gros yeux", ils éclataient tous de rire les boeufs, les lourds.)

Le vieux m'a coincée de la sorte à plusieurs reprises. Je n'ai jamais rien dit. sauf il y a une dizaine d'années, à mon père. Il m'a traitée de folle et m'a conseillé de me faire soigner.

Mon père: un dimanche en famille; pique-nique au bord de l'eau, j'ai peut-être huit ans.
A peine arrivés, il me prend par un bras et une jambe et me jette dans la rivière. Pareil: pour rigoler et amuser la galerie.
Je me rappelle du choc de l'eau froide et de tomber comme un sac jusqu'au fond. Je savais nager, heureusement.

Je mangeais mal parait-il, jamais assez; j'avais "Les deux trous bouchés" disait ma mère.
Quand le forcing à table ne portait pas ses fruits, ils me mettaient dans la cave avec mon assiette.

Un jour à table, il y avait de l'ail cuit, çà ne passait pas, j'avais des hauts le coeur ; alors j'ai déposé sur le bord de l'assiette ce qui me faisait vomir. ma mère me l'a remis de force dans la bouche "Avale! Avale!!! Je ne sais pas pour quelle raison, mon frère s'en est mêlé ce jour là: il est venu me tenir les bras en arrière pendant que ma mère me remplissait la bouche de force . Mon père, au bout d'un certain temps leur a dit d'arrêter.

mercredi 24 février 2010

déflagration bis

J'ai fait plusieurs psychanalyses; la seconde a duré cinq ans.
En face à face avec un psy très humain, possédant une grande capacité d'empathie et d'accompagnement. Il m'a beaucoup aidée pendant les trois premières années, puis sans doute par découragement, lassitude ou autres raisons qui lui appartiennent, a "lâché prise". Brutalement.
Lors d'une séance il a eu un comportement qu'il n'avait jamais eu auparavant, il m'a parlé durement, froidement en tenant des propos cassants sur ce que j'étais ("Vous êtes incapable d'imaginer que l'autre puisse ne pas ressentir la même chose que vous"), puis deux autres phrases dont je ne parviens pas à me rappeler, sans doute parce que ces propos ont provqué une confusion immédiate, une véritable "déflagration" psychique.

Il était dans un état particulier, cette séance a duré peu de temps, le temps qu'il dise certaines choses, aille s'installer derrière son bureau pour clore la séance; je me rappelle que son déplacement était mal assuré, il était physiquement en déséquilibre, comme si son corps traduisait la violence des paroles qu'il venait de proférer.
Je ne comprenais pas et lui ai dit :"Je ne comprends pas ce que vous dites, pourquoi me parlez-vous comme çà ?", il a simplement répondu séchement: "Vous avez entendu".

Comment décrire l'état dans lequel j'étais ensuite? Confusion est sans doute approprié. Ca a duré longtemps cet état, je crois que ça a cassé là où il y avait déjà une ligne de brisure ancienne et massive.
Je me rappelle aujourd'hui, car ces faits datent d'il y a une quinzaine d'années, que pendant les semaines qui ont suivi, je suis restée dans cet état particulier.
Lourde,épuisée, sans forces, avec une perte radicale d'énergie vitale. Je me levais chaque jour dans un état d'épuisement psychique terrible. Tenir jusqu'au soir et recommencer le lendemain, jour après jour, c'était comme se lever chaque matin en ayant à porter une charge de plusieurs tonnes; j'ai survécu à ce choc puissant pour ne pas abandonner mon fils.

J'ai continué à aller chez ce psy pendant deux années encore, mais la situation ne s'est jamais améliorée, il n'était plus dans l'accompagnement.
Au fil du temps mes séances se sont espacées (il n'avait plus de disponibilité) et il arrivait de plus en plus fréquemment que la porte d'entrée ne s'ouvre pas après mon coup de sonnette, je devais alors attendre qu'une personne entre dans l'immeuble pour pouvoir accéder à son cabinet. Lorsque j'attendais dans la salle d'attente, il pouvait me laisser attendre en faisant passer une ou plusieurs personnes avant moi alors qu'il savait que je devais rentrer pour récupérer mon fils chez la gardienne.

Cà devenait insensé de continuer, j'allais de plus en plus mal, il me disait "Faites de la poterie" et me traitait comme si j'avais une pathologie incurable.
Des souvenirs d'évènements passés surgissaient chargés en émotions violentes, destructrices. J'avais l'impression de ne pas être entendue. Tout était interprété dans un sens qui ne me "parlait" pas, en relation avec théorie relative à une transmission transgénérationnelle des affects et autres contenus inconscients.
Il ne reconnaissait pas la réalité des actes que j'avais subis pendant l'enfance et me disait: "Vous n'avez pas été maltraitée; vous ressentez ce qui a été vécu par votre mère"... Je devenais un peu plus "folle" après chaque séance de cet acabit.

Il fallait que je survive pour mon fils. Mais le fil qui me retenait à la vie était ténu, effiloché, au bord de la rupture absolue.
C'était vraiment une sale période, qui a duré très longtemps en se dégradant progressivement. Si en parallèle je n'avais pas rencontré C, chez qui je me suis installée avec mon fils, je n'aurais pu continuer à assumer les charges du quotidien.

J'ai commencé à cette période à faire d'une manière récurrente des rêves et des cauchemars aux contenus très violents.
Ca a empiré progressivement et je suis entrée dans une phase très particulière pendant laquelle les cauchemars sont devenus quotidiens.
Je n'avais plus d'énergie vitale, le fait d'être éveillée et de vivre m'épuisait. J'étais sans force, je me sentais face contre terre, lourde, inerte.
Je rampais, je rampais sur le temps qui passait minute après minute, heure après heure, jour près jour.

Mes nuits étaient peuplées de cauchemars, de terreurs nocturnes, de réveils en hurlant.
J'avais peur de m'endormir car j'avais cette peur atroce de mourir pendant mon sommeil, de mourir pendant un cauchemar. J'étais dans un état de terreur et de confusion absolus au réveil, il me fallait un laps de temps très long pour retrouver mes esprits.
J'avais peur, en permanence. Si je devais dormir seule, lorsque mon ami s'absentait, je fermais tout à double-tour, me barricadais et déposais une hache sous le lit pour me défendre en cas d'agression.
La chance que j'ai eu c'est que lorsque je me rendais à mon travail, une fois arrivée sur place, je ne ressentais plus cette horreur. Par contre, une fois la journée passée, dès que je montais dans ma voiture, sur le chemin du retour ça m'envahissait de nouveau.
Ca a duré plusieurs mois; mon ami en a eu assez de vivre avec une zombie qui le réveillait en hurlant toutes les nuits et nous nous sommes séparés.

retrouvailles

Un rêve essentiel.

- Je marche sur un chemin, je vois un enfant immobile sur le bord du sentier, seul, la tête tournée sur le côté; je m'approche un peu , il me fait signe de passer mon chemin.
Je pars donc et continue d'avancer, mais je repense à cet enfant et ressens de la culpabilité de ne pas avoir insisté plus et de le laisser là tout seul. Je reviens sur mes pas et lui demande s'il a besoin d'aide.
L'enfant tourne alors lentement son visage vers moi; c'est une vision d'horreur; il lui manque la moitié du visage, comme si un éclat d'obus la lui avait arrachée.
J'ai un mouvement de recul tout en amorçant un geste des bras comme pour me protéger de cette vision et dis "Non! Non! Meurs si tu es ainsi!" Je suis terrifiée. Alors l'enfant, lentement, approche son visage du mien et y dépose un baiser.

mardi 23 février 2010

mère maquerelle et vieux porc

Je suis adolescente, c'est un dimanche en famille. Après le repas, je suis dans le salon avec ma mère et sa soeur. Ca frite un peu entre ma mère et moi, elle me traite de feignante et m'ordonne d'aller m'occuper de mon grand-père paternel. Le vieux est malade et alité dans la chambre de mes parents.
Il me fait signe d'approcher du lit et m'attrappe le bras pour m'y faire tomber. il a encore de la force ce porc malgré son cancer.
Il me tient fermement et m'embrasse sur la bouche tout en commençant à me peloter les seins. Je me débats et parviens à me dégager. J'hurle par tous les pores de ma peau mais ne laisse aucun son sortir de ma bouche.
Je devrais rester là, dans cette chambre avec le porc puisque ma mère me l'a ordonné, mais si j'y reste je meurs.
Je ne crie pas et prends sur moi pour ne laisser voir aucun signe de ce qui vient de se produire. Les risques c'était que l'on ne me croit pas et me hurle dessus en me frappant pour avoir dit de pareilles conneries, ou bien d'être crue et de provoquer une catastrophe nucléaire dans la famille avec hurlements,coups, voire meurtres.
Lorsqu'elle me voit passer dans le couloir ma mère me gueule dessus, je ne l'écoute pas et pars m'enfermer dans ma chambre. Je suis atomisée.

l'ambivalence

Des années que je m'interroge sur l'ambivalence de mes sentiments. Que je tente de comprendre et de résoudre, enfin, de mieux vivre avec, parce que vraiment c'est difficile à gérer...
Surtout vis à vis de mes parents. Je n'ai jamais vraiment "coupé les ponts"; il m'a été impossible de renoncer à cette simili famille parce que Rien, je veux dire Personne, c'est pire que "un peu mais merdique". Je sais que si j'avais été plus forte ou bien si j'avais eu la chance de faire des rencontres avec des personnes qui m'avaient apporté suffisamment d'amour et de stabilité affective, j'aurais pu rompre ce lien bancal qui me fait encore souffrir.
Deux sentiments-émotions coexistent en permanence: la culpabilité pour les attentions positives qui ont pu parfois exister de leur côté à mon égard, et la haîne pour toutes les souffrances qu'ils m'ont infligées.
Ca coexiste mais ne s'unifie jamais, et lorsque çà devient moins prégnant, je me rends compte après coup que c'est par renoncement partiel à l'importance de mes souvenirs, de ce que j'ai vécu et en conséquent: de mon identité.
Lorsque j'étais enfant c'était à ce prix que j'ai pu survivre dans "leur" enfer : en étant transparente, incolore, inodore; un bruissement léger qui fait mille efforts pour ne pas attirer l'attention sur lui.
Cela m'est resté: faire plaisir, acquiescer à tout, me faire la plus discrète possible pour passer inaperçue.

J'étais très seule, comment un enfant peut-il survivre à une aussi grande absence d'interactions et surtout d'attention et d"émotions positives ?

Cela m'est resté: j'ai besoin des autres mais les
côtoyer m'est parfois très difficile; je vis en solitaire, mes relations affectives avec les hommes se sont toutes soldées par des échecs, et mon réseau de relations sociales est extrêmement limité.

J'ai besoin de solitude pour me retrouver; parfois, être avec d'autres m'épuise, psychiquement je crois posséder peu de ressources pour vivre avec autrui.
J'ai pris conscience il y a peu que j'évitais d'une manière implicite toute situation qui serait pour moi un inconfort: me retrouver en tête-à tête avec une personne que je connais peu par exemple est une torture pour moi: je ne sais pas alimenter une conversation, ce genre d'évènement m'épuise.

J'ai lu un mémoire en ligne sur les enfants témoins des violences conjugales entre leurs parents, ce travail est vraiment extraordinaire; j'y ai trouvé matière à réflexion sur ces questions qui restent depuis si longtemps sans réponse.
En fait après cette lecture je pense que la réponse à mon questionnement sur l'issue de cette ambivalence n'existe pas: il n'y a pas d'issue car c'est une situation qui est en soi une impasse.
Etre maltraité par ses proches lorsque l'on est enfant , dans la dépendance vis à vis de sa famille, ça oblige à se construire de cette manière fragmentée et l'unité des sentiments serait au prix d'un renoncement à soi-même, à son identité.

Vivre dans la peur, être à l'aguet des signes annonciateurs des explosions de violences, être en permanence sur le qui-vive pour réagir de manière appropriée lorsqu'elles se déclenchent.
C'est devenu une manière "d'être au monde" pour l'enfant que j'étais.
Souvenir d'une scène particulièrement marquante: j'avais une duzaine d'années, bagarre entre mes parents,hurlements en provenance de la cuisine, mon père empoigne ma mère , le poing levé sur elle, -fou- "Je vais te tuer!", -fou-, et elle, -folle-, (ayant perdu l'instinct de survie qui lui aurait permis de le calmer). J'ai hurlé "NON papa, Arrête, arrête!!!!" en m'interposant entre les deux. Il m'a regardé de ses yeux fous et j'ai pu lire l'indécision dans ce regard, lecture est un mot inapproprié car le temps de lire n'existait pas, il n'y avait plus de temps, de mouvement; uniquement cette suspension dans le regard fou de mon père.

Vivre dans la crainte de l'a survenue de ces évènements-là; qui arrivaient à leurs termes parfois, ma mère n'est pas morte mais a subi les coups de mon père.
Longues périodes de silences, que du langage non-verbal entre eux; ça pouvait durer des semaines ce silence-là, cette tension sans mots;un enfer.

vendredi 19 février 2010

déficit

L'expression qui me vient: "Orpheline d'Humanité".

Un déficit d'humanité, un manque par défaut, parce qu"il n'y a pas eu la nécessaire et suffisante dose d'amour, de regards, de paroles, d'émotions et d'intérêt; sans doute y a t-il eu un peu par périodes, des bribes de reconnaissance des uns ou des autres, qui ont permis que quelque chose se construise quand même, qu'il soit possible au petit bouchon de ne pas être dans un vide relationnel constant et destructeur.
Difficile d'être sociable et confiant en soi et les autres dans ces conditions. L'identité est fragile, à la recherche constante de reconnaissance, puis l'expérience aidant, de moins en moins dans cette démarche d'attente et de plus en plus dans l'auto-conservation, donc dans un mode de vie solitaire.
Il y a eu des moments dans ma vie où la fragilité du lien humain m'est apparue avec une acuité particulière, notamment lors d'un épisode très violent de reviviscence post-traumatique.
Cette fragilité c'est ce qui permet à la barbarie de se manifester quand les liens sont rompus voire corrompus.
Bienheureux les "résilients", ceux qui, parait-il ont pu se construire grâce à d'opportunes rencontres. Comment se nomment les autres, les non-résilients ?

Un point qui me tient à coeur: la non-reconnaissance de la souffrance psychique. Car quand on n'est pas résilient, ou quand on n'a pas laissé son corps s'emparer de cette souffrance pour la transformer en maladie somatique, la douleur n'en est pas moins réelle et parfois insupportable -d'où ce besoin de s'auto-mutiler chez certaines personnes: écrire sur son corps les traces de ce qui ne peut se nommer ni être reconnu par autrui; déplacer sa souffrance en une douleur- plus supportable- d'un afflux nerveux douloureux qui part du bras au cerveau.

-Souvenirs de périodes où la souffrance était telle que seuls des hurlements "silencieux", des explosions émotionnelles me permettaient d'évacuer cette douleur terrible. Taper ma tête contre le mur , marquer la peau de mon bras avec une lame de ciseau.
-Crises de larmes paroxystiques, pendant des nuits entières, qui me laissaient vidée, défigurée.

Cela n'arrive plus... depuis que je me suis autorisée à ressentir de la haine contre ceux qui m'ont fait souffrir, et à leur retourner en fantasmes cette violence et cette cruauté qu'ils m'ont infligées.